L’embauche d’un étranger dans le nouveau code du travail Togolais

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La plupart du temps, les entreprises togolaises ne font appel à la main-d’œuvre étrangère qu’en cas de manque réel de compétence locale.

Le régime de recrutement d’un étranger au Togo était encadré par les articles 46 et 47 de la loi n°2006-010 du 13 décembre 2006 portant code du travail (ancien).

Ce régime a subi quelques modifications avec la loi n° 2021-012 du 18 juin 2021 portant code du travail (nouveau).

Les changements portent sur les conditions et les procédures de recrutement d’un salarié étranger au Togo (1) mais aussi sur la sanction de la violation desdites procédures et conditions (2). 

1. L’exigence d’une autorisation d’embauche et d’un visa

L’ancien code du travail subordonnait le recrutement d’un travailleur de nationalité étrangère à l’obtention d’une autorisation d’embauche et d’un contrat de travail écrit et visé par le directeur général du travail[1]. Cette exigence est toujours d’actualité[2]

On reprochait au code de 2006 de ne pas protéger suffisamment l’emploi local. Tout d’abord, aucun motif n’était exigé pour le recours à un travailleur étranger plutôt que local. Dans la pratique, le processus de délivrance de visa de contrat de travail donnait l’occasion de vérifier qu’il n’y a pas de main-d’œuvre locale compétente avant d’autoriser le recrutement d’un étranger. Mais on peut douter de l’efficacité d’une telle vérification.

Ensuite, aucune mesure n’était mise en place pour développer la compétence locale susceptible de remplacer le salarié étranger à la fin de son contrat. 

Le législateur a pris en compte ces reproches et a amélioré le processus de délivrance de l’autorisation d’embauche et du visa du contrat de travail.

Dans le code du travail (nouveau), le législateur réaffirme le rôle de l’État dans la protection de l’emploi local, le développement et le transfert des compétences et du savoir-faire en faveur des nationaux[3]. Mieux encore, le législateur fait obligation à l’employeur, lors de l’embauche, de prendre les mesures nécessaires en vue de la formation et du développement des compétences des salariés locaux susceptibles d’occuper des emplois de niveau équivalent à celui du travailleur étranger au sein de l’entreprise ou de l’établissement[4]

La question se pose alors de savoir si les mesures nécessaires dont parle le texte sont une condition de l’obtention de l’autorisation d’embauche et du visa d’embauche. La question est d’autant plus pertinente qu’aucun texte ne précise explicitement les conditions d’octroi de l’autorisation d’embauche ni celles du visa du contrat de travail. 

A notre sens, il serait de bonne guerre que les autorités compétentes subordonnent l’octroi de l’autorisation d’embauche et le visa à la preuve que les mesures nécessaires sont prises par l’employeur en vue de la formation et du développement des compétences des salariés locaux. 

C’est d’ailleurs ce qui a été fait en ce qui concerne la prorogation de la durée du visa de contrat de travail. 

En effet, le nouveau code tout en maintenant la durée du visa à deux (02) ans renouvelables une fois[5], prévoit que cette durée peut être prorogé de deux (02) ans à condition pour l’employeur de produire un plan de formation et de promotion des travailleurs nationaux susceptibles d’occuper l’emploi pourvu par le travailleur étranger au sein de l’entreprise ou de l’établissement[6].

Malheureusement, le régime de recrutement d’un travailleur étranger consacré par le nouveau code du travail traine plusieurs lacunes.

D’abord, aucun motif justifiant le recours à la main d’œuvre étrangère n’est expressément prévu. De même, il n’est prévu aucun mécanisme pour évaluer les besoins de main-d’œuvre étrangère en tenant compte de l’impact éventuel de cette arrivée sur le marché du travail national. Aussi, aucun principe d’opposabilité de la situation de l’emploi ou système de quota n’est prévu. Enfin, la question de l’articulation entre autorisation d’embauche, visa de contrat et les différentes cartes de séjour a été éludée. Il en est de même de la question de savoir si l’exigence de l’autorisation d’embauche s’applique aussi aux résidents ordinaires et/ou privilégiés ou seulement aux étrangers titulaires d’une carte de séjour temporaire.

2. La sanction de l’emploi d’un étranger sans autorisation ni visa 

La sanction de l’emploi d’un un étranger sans autorisation d’embauche n’a pas subi de grande réforme de la part du code du travail. L’employeur qui omet de demander l’autorisation d’embauchage ou qui emploie un travailleur de nationalité étrangère sans autorisation préalable ou sans visa est passible de sanctions pénales[7]. Ces sanctions pénales se trouvent à l’article 343 du code du travail nouveau.

Mise à part les sanctions pénales, le nouveau code prévoit qu’en cas d’absence de demande de visa, le travailleur peut réclamer des dommages et intérêts dont le montant ne peut excéder (03) mois de salaire brut[8]. La nouveauté réside dans ce plafonnement du montant des dommages et intérêts à trois mois de salaire brut.

En ce qui concerne le sort de la relation de travail entre le salarié étranger et l’employeur, le législateur prévoit que lorsque le visa est refusé ou n’a pas été demandé, le contrat est caduc de plein droit[9]. Cette disposition déjà présente dans le code du travail ancien et repris dans le nouveau code mérite quelques observations. 

En effet, la caducité se justifie dans l’hypothèse où l’employeur a omis de demander la prorogation du visa ou que cette prorogation lui a été refusée. En revanche, elle ne nous paraît pas juridiquement correcte dans l’hypothèse où le contrat de travail a été conclu sans visa. 

Dans la première hypothèse, le contrat a été valablement conclu, seulement le visa qui est un élément essentiel de ce contrat a disparu postérieurement, ce qui justifie la caducité. 

Dans la seconde hypothèse, le contrat n’a jamais pu être valablement conclu puisque le visa, formalité d’ordre public[10]du contrat a été absent. Dans ce cas, le contrat devrait être frappé de nullité[11]et non de caducité. Il nous semble que le législateur ait oublié de faire cette distinction subtile mais fondamentale.

Patrice Ekoué SATCHI

Juriste d’affaires.

[1] Code du travail (ancien), art 46.
[2] Code du travail (nouveau), art 52 al 3.
[3] Code du travail (nouveau), art 52 al 1 & 2.
[4] Code du travail (nouveau), art 52 al 4.
[5] Code du travail (nouveau), art 53 al 2.
[6] Code du travail (nouveau), art 53 al 4..
[7] Code du travail (nouveau), art 53 al 7.
[8] Code du travail (nouveau), art 53 al.4.
[9] Idem, art 53 al. 5
[10] La nullité découle de la violation d’une règle d’ordre public général, non de la simple méconnaissance d’une formalité. ( Gilles Auzero et Emmanuel Dockès, Doit du travail, Dalloz Précis, 29ème éd., n°171, p 203.)
[11] En France, par exemple, l’étranger qui travaille sans carte, ou dont la carte n’a pas été renouvelée, ou dans une profession non mentionnée sur la carte, travaille dans le cadre d’un contrat nul. (Soc.15 févr. 1978, Bull. civ. V, n° 107 ; 3 juin 1998, Bull. civ. V, n° 293.)
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