La période d’essai dans le nouveau code du travail togolais

Partager ce contenu

La période d’essai est un moment déterminant pour le salarié et pour l’employeur. Elle permet au premier d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. Au second, elle permet de s’assurer de la compétence du salarié embauché au poste dont il s’agit. 

Les premiers textes encadrant l’essai au Togo remontent à la loi n°2006-010 du 13 décembre 2006 portant code du travail (ancien). Ce code réservait ses articles 51 à 53 à l’engagement à l’essai. Ces dispositions législatives ont été complétées par la Convention Collective Interprofessionnelle des Travailleurs datant de décembre 2011.

La loi n°2021-012 portant code du travail (nouveau) tout en apportant quelques modifications, reprend les règles relatives à la période d’essai contenues dans l’ancien code du travail de 2006 et dans la Convention Collective Interprofessionnelle de 2011. 

La quasi-totalité des règles antérieures ont été reprises. Les plus classiques sont notamment : la période d’essai doit être expressément stipulée au contrat[1], elle fait l’objet de rémunération au taux de la catégorie dans laquelle a été engagé le travailleur[2], durant la période d’essai, la rupture du contrat de travail se fait librement et sans préavis… 

Nous ne reviendrons pas sur ces règles classiques qui n’ont subi aucun changement en dehors de leur numérotation dans le nouveau code. Aussi faut-il soulever, à titre liminaire, que le terme période d’essai a été introduit dans le nouveau code en substitution du terme « engagement à l’essai ». Bien évidemment, le changement n’est que terminologique et non sémantique. De toute façon, dans la pratique, bien avant le nouveau code, le terme « période d’essai » était constamment utilisé en lieu et place de « l’engagement à l’essai ». D’ailleurs dans la Convention Collective Interprofessionnelle c’est le terme période d’essai qui est utilisé.

Les changements apportés par le nouveau code à la période d’essai, porte essentiellement sur son caractère (1), sa durée (2) et son point de départ (3).

Les développements qui suivent porteront uniquement sur ces trois points.

1. La période d’essai n’est pas obligatoire

A l’alinéa 1 de l’article 9 de la Convention Collective Interprofessionnelle des Travailleurs, il est prévu que « tout travailleur recruté est soumis à une période d’essai… ».

Une interprétation stricte de ce bout de phrase laisse entendre que la période d’essai est une clause obligatoire dans tout contrat de travail. Pourtant, en pratique, même si les employeurs  recourent systématiquement à la période d’essai, c’est beaucoup plus par choix que par obligation légale. 

Il s’agissait sans doute d’une erreur de rédaction, erreur que le législateur a rectifiée dans le nouveau code en précisant que « tout contrat de travail peut comporter une période d’essai… »[3]. La période d’essai n’est donc pas une obligation mais une option. 

2. La durée maximale de l’essai 

L’ancien code prévoyait que l’essai ne peut excéder, renouvellement compris, une période de 06 mois[4]. A l’expiration de cette période, si le travailleur est maintenu en service, un contrat de travail naît définitivement entre les parties[5]

L’article 9 de la Convention Collective Interprofessionnelle apportait des précisions en fonction de la catégorie professionnelle du travailleur.

Aux termes de l’alinéa 1 de cet article, pour les travailleurs payés au mois, la durée de cette période d’essai ne doit pas dépasser un (01) mois renouvelable une fois pour les ouvriers, employés et assimilés, trois mois renouvelables une fois pour les agents de maîtrise, techniciens et assimilés, six (06) mois non renouvelable pour les cadres et assimilés et huit jours renouvelables une fois pour les travailleurs payés à l’heure[6]

Dans l’encadrement de la durée de l’essai, aucune distinction n’est faite entre contrat de travail à durée déterminée et contrat de travail à durée indéterminée. En effet, dans le cadre d’un CDD comme d’un CDI, la période d’essai ne peut excéder 06 mois. Ce faisant, il n’était pas impossible de trouver un contrat de travail dans lequel il est prévu une période d’essai égale ou supérieure à la moitié de la durée du contrat. 

Le nouveau code du travail vient réparer cette anomalie en encadrant la durée de l’essai en fonction de la nature du contrat de travail.

Lorsque le contrat est un contrat de travail à durée déterminée, la période d’essai ne peut jamais être supérieure à un mois[7] non renouvelable, quelle que soit la catégorie professionnelle du travailleur

Les règles n’ont pas changé en ce qui concerne le contrat à durée indéterminée. Le nouveau code en son article 44 al.5 a sur ce point repris les règles prévues à l’article 9 alinéa 1 de la convention collective interprofessionnelle cité plus haut.

3. Le début de la période d’essai

Le code du travail (ancien) était silencieux sur le point de départ de la période d’essai. Selon la jurisprudence, la période d’essai, « sauf disposition contraire, commence le jour même de la conclusion du contrat de travail » (Cass. soc. 15 mars 2006, n°04-445544). Dans la pratique, cette période commence au premier jour de travail, stipulé par le contrat de travail ou la lettre d’engagement.

Cette règle est reprise par le nouveau code du travail en son article 44 alinéa 6 en ces termes : « la période d’essai débute à compter du premier jour travaillé ». Autrement dit, le point de départ de la période d’essai est le jour où commence l’exécution du contrat de travail.

Reste à savoir quand commence l’exécution du contrat de travail lorsque le salarié suit un stage de formation au cours de ses premières semaines d’activité dans l’entreprise. 

De même, quid du début de la période d’essai lorsque le contrat de travail a été précédé par un ou plusieurs contrats à durée déterminée ?

 Plus encore, quid de la transformation d’un CDD en CDI. La durée du CDD est-elle déduite de la période d’essai prévue par le CDI ?

Comme par le passé, le législateur reste à nouveau muet sur ces questions. 

Selon la Cour de cassation française, même si la formation est assurée en dehors de l’entreprise par un organisme extérieur de formation, cette période de formation est comprise dans la durée de l’essai[8]. Il en va autrement si le stage est préalable à la conclusion du contrat et constitue une condition de recrutement[9]

Lorsque le contrat de travail a été précédé par un ou plusieurs contrats à durée déterminée, la durée de ces contrats doit être retranchée de l’éventuelle période d’essai stipulé[10]. Cela revient à faire partir la période d’essai du premier contrat conclu par le salarié avec l’employeur[11]. Mais attention, cette situation ne doit pas être confondue à celle ou la clause d’essai est introduite en cours d’exécution du contrat de travail à l’occasion d’un changement de fonction. Dans ce cas, la clause d’essai est requalifiée en « clause probatoire »[12] ou « période probatoire »[13].

En ce qui concerne la situation de la transformation d’un CDD en CDI, la jurisprudence a retenu que si l’employeur fixe une période d’essai d’un CDI après CDD, la durée du CDD doit être déduite de la durée de la période d’essai prévue[14]. Comme nous pouvons le remarquer, les questions soulevées plus haut trouvent réponses dans la jurisprudence française. 

Patrice Ekoué SATCHI

[1]C.trav (nouveau)., art 44 al 2./ C.trav (ancien)., art 51 al.1.
[2]C.trav (nouveau)., art 45 / C.trav (ancien)., art 52.
[3]C.trav (nouveau)., art 44 al 1.
[4]C.trav (ancien)., art 51
[5]C.trav (ancien)., art 53 al 1
[6]Convention Collective Interprofessionnelle de 2011. art 9
[7]C.trav (nouveau)., art 44 al 3
[8]Soc. 24 oct. 1997, RJS 12/97, n°1334 ; dans le même sens, Soc. 24 févr. 1997, CSB 1997, n°90, p. 149; RJS 4/97, n°370 : bien que le stage de formation soit un stage de formation théorique, la durée du stage est intégrée dans la période d’essai).
[9]Soc. 1er févr. 2000, RJS 3/00, n°246
[10]C.trav (français). Art L1243-11
[11]Soc.9 oct.2013, n°12-12113, P (peu importe que les contrats antérieurs aient été conclu sur des emplois différents), RDT 2013. 761, note B. Géniaut
[12]Soc. 30 mars 2005, n°02-45.338, Mme Salvat ; 26 mai 1998, Bull.civ. V, n° 275 ; RJS 7/98, n° 821. La clause probatoire contrairement à la clause d’essai n’autorise pas la rupture du contrat de travail, elle permet seulement au salarié et à l’employeur de revenir aux règles fixées initialement dans le contrat
[13]Soc.16 mai 2012, n° 10-10.623 P
[14]Cass. Soc. 31 janvier 2006, n°04-46782 ; dans le même sens, Cass. Soc., 9 octobre 2013, n° 12-12113P.

A propos de l'auteur